• Voyage au coeur de l'inconnu

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    Et si j’osais montrer les milliers de miroitements qui scintillent sur l’océan infini de mon cœur? Et s’ils ne faisaient pas briller ses yeux, comme les siens font briller les miens? 

    Je serre sa main dans la mienne alors que l’eau grimpe sur mes hanches, me déstabilisant à chaque pas que j’essaie de faire. Son contact est chaud… Rassurant. Ses doigts me tiennent, me donnant un appui pour stabiliser mes pas grelottants. Sa peau est douce, poncée par l’océan et les myriades de grains de sable que portent les vagues. J’expire lentement, en essayant d’atteindre le même rythme que lui pour apaiser les battements de mon cœur. J’ai peur de fermer les yeux. De perdre le contrôle. De me laisser guider vers un lieu que je ne connais pas… Vers son monde à lui… 

    L’horizon me fixe, défiant, les vagues semblent vouloir m’engloutir et le vent me pousser dans mes derniers retranchements. Mes yeux ne peuvent se détacher de cette ligne au loin. Cette ligne sans fin qui ne disparaît jamais, cette ligne qui le fait tant rêver et qui moi m’effraie encore. L’inconnu… Il expire profondément et j’entendrais presque les battements de son cœur par-dessus le vent qui soulève mes cheveux en vaguelettes irrégulières. J’essaie moi aussi d’inspirer cet air frais rempli de liberté. Il est léger alors que mon cœur est lourd et frappe si fort dans ma poitrine. Je n’arrive pas à le calmer. Il tambourine plus fort quand j’essaie de le faire taire et j’essaie alors d’écouter ce qui m’entoure. Un fracas de vagues qui se brisent résonne dans mes oreilles, et se perdent dans la masse des autres. Paradoxalement, ce chaos me donne du courage, comme si moi aussi je pouvais me mêler à elles, ne faire qu’un et ne plus me tenir là debout à lutter contre elles.

    J’expire de nouveau et cette fois je sens l’harmonie des battements de nos cœurs. Nos poumons se remplissent et se vident lentement, dans un même souffle doux et apaisé. Nos mains se serrent un peu plus, imperceptiblement, elles s’aiment et se parlent dans leur langage pour se rappeler que l’on est ensemble. Je crois que c’est le moment… 

    Mes paupières s’abaissent, l’horizon disparaît entre mes cils et je finis par clore mes yeux pour prendre une dernière grande inspiration avant de plonger sous les flots et de me laisser porter par les courants dans les profondeurs des abysses. Le vide s’installe dans mes pensées un instant, j’en oublie mes sensations, mon cœur qui s’accélère en retenant ma respiration. Soudain, c’est comme flotter dans l’espace, suspendue entre deux mondes… J’ouvre les yeux.

    Face à l’immensité de l'infini, je ressens un profond sentiment d’angoisse. J'ai peur. Une peur sourde, grondant comme un orage, serrant mes entrailles et me laissant ensuite face à la perspective du néant, bousculant mes certitudes et ma propre existence... L’immensité est absurde et au plus profond de moi j’ai envie de pleurer. Les larmes piquent mes paupières, mais lorsque je cherche à serrer mon poing, je réalise que sa main est toujours là. Elle me tient. Je ne suis pas seule. Je soupire de soulagement et j’essaie de me concentrer sur la sensation de flotter dans le cosmos. Le poids de cet immense univers disparaît. J’observe l’absence d’horizon dans la masse noire et profonde qui semble m’enfermer alors qu’elle a moins de limites que ma propre conscience. J’en arrive à m’émerveiller du spectacle qui se dévoile devant moi. Je ne suis même pas un minuscule point de lumière dans ce grand tout… Et étrangement, cela ne me fait plus peur. C’est même presque apaisant. Finalement, je fais seulement partie de quelque chose de plus grand que je ne peux même pas comprendre…

    Je fixe les planètes, observant la mienne et la sienne se rapprocher au loin lentement. Alors qu’au cœur de ce qu’il y a là-bas elles sont lancées à pleine vitesse. Même si c’était difficile à croire, la collision est imminente. Terrifiante. La crainte de se perdre dans l’autre, de se diluer dans un univers sans repères me prenait à la gorge et je suffoquais soudain. Mes mains se portèrent sur mon cou, lâchant la sienne qui m’avait tant soutenue. La terreur de l’inconnu m’étreint. La peur de ne plus retrouver les étoiles qui me guident si tout est sombre. Mais, lui, face aux mystères de cette galaxie, m’avait une fois murmuré qu’il trouvait l’inconnu excitant, et dans le changement perpétuel le goût enivrant de l’aventure. Ces mots semblent créer une bulle d’oxygène autour de mon corps et nos doigts s'entrelacent de nouveau. Merci…

    Ma trajectoire menace de me précipiter dans un trou noir sans fond, une faille béante qui se dresse devant moi, prête à absorber mon âme. Alors que devant moi, vers nos planètes, une ceinture d’astéroïdes vibrants nous coupe le passage. Je les vois qui s'entrechoquent, se divisent à toute allure sans qu’on puisse en avoir le moindre contrôle, sans qu’on puisse prévoir leur destruction ou leur formation. Pourtant il veut qu’on aille voir nos planètes fusionner. J’hésite. Il me répond qu’il aime l’adrénaline que lui procure ce saut au cœur d’une danse imprévisible, qu’avec deux pas d’élan vers la vie, il pouvait faire un saut dans l’étendue noire et trouble du possible qui, moi, remet en question chacun de mes choix. Un espace dont on ne voit pas la fin et qui au fur et à mesure que tu avances semble se refermer sur tes pas pour t’empêcher de reculer… 

    Il lâche brusquement ma main et prend appui sur une comète égarée pour se propulser vers la ceinture d’astéroïdes tel une nouvelle étoile filante. Je lève les yeux et aperçois son sourire tendre un peu plus loin. Je cherche la bonne réponse dans ses yeux mais je m’aperçois que j’ai le choix. Le choix de retourner à la surface, ou d’aller explorer l’inconnu. Les idées contradictoires s’entrechoquent mais une seule semble vouloir persister et s’imposer… La curiosité. Je veux savoir comment il vit, quel est son monde, dans le moindre détail, voir à chacun de mes pas ce qu’il a construit à son image pour s’y sentir en sécurité. Je veux partager avec lui la création de notre propre galaxie. Alors… J’ai fait un pas. Juste un. Pour me propulser et le rejoindre de nouveau. J’ai osé croire en la beauté du changement perpétuel. Osé abandonner la sécurité sans surprise de mon orbite pour choisir de me propulser entre les astéroïdes menaçants, prenant le risque de me perdre un instant dans les étoiles. Sa main tendue finit par se rattacher à la mienne et l’on danse alors entre les milliers de débris. Je virevolte avec lui glissant entre les constellations, nos pieds frôlant leur lumière. Je ressens une ivresse nouvelle, une exaltation que je n'avais jamais connue auparavant. Je souris pour la première fois depuis ce voyage, me laissant totalement absorber par cette sensation de liberté, de paix, et d’harmonie entre ma conscience et l’univers.

    Et puis enfin, je la vois. Cette nouvelle planète. Naissant de la fusion de deux mondes autrefois distincts. Un pas dans le vide. Nous chutons alors vers elle. A sa rencontre. Sans frein, mais avec la foi que l'atterrissage sera tout simplement doux et réconfortant. Au fur et à mesure, j’aperçois les paysages qui s’entrelacent, se confondent, créant un tableau vivant d'une beauté indescriptible. Les arbres roses se mélangent à ceux plus verts, les montagnes rencontrent les vallées profondes, tandis que les sommets enneigés s’abaissent pour embrasser des jungles tropicales. Les déserts dorés se fondent dans les plaines luxuriantes faisant entrer en contact le sable brûlant et les rivières glaciales. Les marées d’eau chaude affrontent les courants froids, et d’immenses océans s’ouvrent entre les forêts denses. La foudre se mêle au tonnerre, les tempêtes s’apaisent au contact de douces brises ou créent des cyclones de lumière et de couleurs. Les geysers jaillissent des terres volcaniques, libérant des éclats de vapeur qui se dissipent dans des champs de fleurs luminescentes. Des êtres gracieux, mi-animaux, mi-végétaux, aux formes tout aussi élégantes qu’étranges rencontrent des créatures aux écailles iridescentes qui capturent la lumière du soleil, ou celles aux ailes de cristal qui s’élèvent au plus haut pour mieux apercevoir les entités aux yeux sages qui laissent derrière elles un sillon phosphorescent. 

     

    En pénétrant dans cette nouvelle atmosphère, je sens l’air changer, devenir plus dense et plus riche. Et enfin mes pieds touchent terre. Le sol m’accueille avec une chaleur rassurante, enveloppant mon corps dans une étreinte bienveillante. J’ai envie de courir et mes pieds s’emportent dans ce champ rempli de promesses. Je finis par dévaler une pente à toute allure, un peu trop vite, si vite que je finis par trébucher. Sa main qui me tient toujours tente de me freiner mais l’on finit tous deux à terre, riant aux éclats. Je lâche enfin sa main. Je n’en ai plus besoin. Mes yeux rencontrent les siens. Je plonge dans cet océan bouleversant, découvrant des nuances et des éclats que je n'avais jamais remarqués auparavant. De mon côté, il semble se perdre dans les reflets bruns de mes yeux, cherchant quelque chose que je ne savais pas que j'avais à offrir. Il y a une étincelle dans ses yeux, une étincelle de curiosité et de passion qui fait battre mon cœur plus fort. En cet instant suspendu, je réalise à quel point les mots semblent superflus. Ils ne me suffisent plus. Mon regard tombe sur ses lèvres juste un instant. Leur force d’attraction est inouïe et une dernière sensation électrisante s’empare de moi. Chaque détail de ses lèvres devient un monde en soi, et l'envie de goûter à cette promesse silencieuse se fait entendre plus que jamais. Alors cette fois, sans une once de peur… Je fais un pas.

     

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